La réforme de la formation professionnelle en détail

Le 1er janvier 2019 entrait en vigueur la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », ou « loi Avenir ». Cette réforme, présentée en mars 2018 par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, et adoptée le 5 septembre 2018, vise à transformer en profondeur le système de formation professionnelle. Elle a pour objectif de simplifier et d’améliorer l’accès à la formation afin de faire face aux évolutions des métiers. SUFCO vous livre les détails de ce chantier titanesque.

#1 Les enjeux de la réforme de la formation professionnelle

Mettre en œuvre une réforme de la formation professionnelle n’est pas une sinécure, les étapes sont nombreuses et de longue haleine. Mais les objectifs de la loi Avenir sont légitimes face aux évolutions majeures du monde professionnel, et répondent tant aux besoins des actifs que ceux des entreprises. Par une refonte majeure du système, la réforme veille à simplifier l’accès à la formation, notamment en gommant les inégalités existantes, de manière à offrir la possibilité aux actifs de construire leur parcours professionnel, mais aussi à œuvrer pour la transformation des compétences. Pour ce faire, des orientations majeures ont été définies, à savoir :
  • la refonte des opérateurs et acteurs de la formation, en résumé, de la gouvernance,
  • l’élaboration des diplômes et titres professionnels,
  • l’investissement des entreprises dans l’évolution des compétences,
  • l’implication des individus, notamment par leur responsabilisation et leur autonomie,
  • l’optimisation de la qualité des formations.
Les catégories d’actions (L 6313-1) sont remplacées par 4 objectifs :
  • offrir la possibilité à toute personne d’accéder à un emploi dans de bonnes conditions,
  • contribuer à l’adaptation des salariés à leur poste de travail, mais aussi à leur évolution, au développement de leurs compétences, à l’acquisition de nouvelles qualifications,
  • préparer les salariés dont le poste est menacé par une évolution majeure à obtenir une qualification nécessaire, ou pour les non-salariés d’accéder à une nouvelle activité professionnelle,
  • simplifier et mettre en avant la mobilité professionnelle.

#2 Une nouvelle définition de la formation

La réforme a commencé par redéfinir l’action de formation, comme « un parcours pédagogique permettant l’atteinte d’un objectif professionnel ». Dès le 1er janvier 2019, la loi reconnaît ainsi officiellement la possibilité de suivre une formation en situation de travail (FEST), ou encore, tout ou partie à distance. Au niveau de la formation en entreprise, le plan de formation devient le « Plan de développement des compétences ». Les formations qui déterminent une activité ou une fonction se dérouleront pendant le temps de travail. Les autres formations seront suivies tout ou partie en dehors du temps de travail, avec une limite fixée par un accord de branche ou d’entreprise. L’obligation d’employabilité des salariés est toutefois maintenue.

#3 Le Compte Personnel de Formation (CPF)

Le Compte Personnel de Formation (CPF) connaît quelques changements, dont le principal concerne sa monétisation. En effet, les salariés cumulaient jusqu’alors des heures de formation, mais depuis le 1er janvier 2019, il s’agit d’euros. Grâce à une application mobile, prochainement lancée, les actifs pourront régler directement les organismes de formation, mais aussi se renseigner sur les formations, s’inscrire en ligne, connaître leur crédit. A ce sujet, le CPF sera crédité chaque année de 500 euros, avec un plafond fixé à 5 000 euros, et de 800 euros par an (plafonné à 8 000 euros) pour les salariés non qualifiés et les personnes en situation de handicap évoluant au sein d’un ESAT (Etablissements et Services d’Aide par le Travail).

#4 Le Congé Individuel de Formation (CIF) remplacé

Le projet de transition professionnelle, ou CPF de transition, vient remplacer le Congé Individuel de Formation (CIF). Il a pour objectif de permettre l’apprentissage d’un nouveau métier, notamment dans le cas d’un changement d’orientation professionnelle, avec une formation plus ou moins longue. Le salarié, qui doit faire la demande auprès de son employeur, et qui sera rémunéré pendant sa formation, peut ainsi évoluer, se qualifier ou se reconvertir. Pour mener à bien cette action, le salarié peut bénéficier d’un congé spécifique lorsque la formation a lieu durant son temps de travail. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, précise que « le CPF de transition permettra de compléter le compte personnel de formation, pour les salariés qui veulent se reconvertir par des formations longues ». Si le CPF du salarié ne permet pas de financer la formation, il peut bénéficier d’abondements de la part de son entreprise si l’accord collectif le prévoit, ou encore des collectivités territoriales ou du FONGECIF (puis CPIR dès 2020).

#5 Le dispositif Pro-A

La promotion par alternance, également appelée Pro-A, vient quant à elle remplacer la période de professionnalisation, avec pour objectif d’assurer le maintien dans l’emploi des personnes les moins qualifiées (les salariés ayant une qualification supérieure à la licence sont d’ailleurs exclus du dispositif). Un accord collectif étendu de chaque branche professionnelle, incluant des représentants des employeurs et des salariés, et validé par le Ministère du Travail, sélectionne les formations et certifications professionnelles entrant dans le dispositif Pro-A, qui doivent permettre l’acquisition d’un diplôme, d’un titre, d’un Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) ou d’une qualification professionnelle reconnue par une Convention Collective Nationale (CCN).

#6 Un assouplissement des conditions de l’apprentissage

Toujours dans un souci d’accessibilité et de montée en compétence, la réforme a prévu quelques assouplissements et avantages pour les apprentis. En effet, ce type de cursus était jusqu’alors destiné aux personnes âgées de 16 à 25 ans révolus. La réforme a étendu cette tranche d’âge jusqu’à 29 ans révolus. Le salaire minimum a de plus été revalorisé de 40 euros pour les 16-20 ans, tandis qu’une aide de 500 euros est offerte pour les apprentis souhaitant passer leur permis de conduire. Autant de mesures visant à booster cette voie.

#7 Le financement de la formation

En matière de financement de la formation professionnelle, la réforme de la formation professionnelle a mis en place une contribution unique, composée de la contribution formation et de la taxe d’apprentissage. Actuellement collectée par les OPCO, elle le sera dès 2021 par la MSA ou l’Urssaf. Cette contribution est calculée sur la base de l’année en cours, et dans les faits, un acompte de 40 % et un autre de 35 % doivent être versés l’année précédente. Le solde est quant à lui à régler avant le 1er mars suivant. Les taux de contribution sont de :
  • 1,23 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 11 salariés,
  • 1,68 % de la masse salariale pour les entreprises de 11 salariés et plus.
Deux nouveautés sont également prévues dans le cadre de la réforme, à savoir, une contribution en faveur des salariés en CDD afin de financer leur CPF, ainsi qu’une contribution supplémentaire à l’apprentissage pour les entreprises de 250 salariés et plus, employant moins de 5 % d’alternants.

#8 Les opérateurs et acteurs de la réforme

La réforme de la formation professionnelle prévoit par ailleurs de nombreux changements au niveau de la gouvernance.

Les OPCO

Les Opérateurs de compétences (OPCO) remplacent les Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA) depuis le 1er janvier 2019. Ils ont pour objectifs d’apporter un appui technique aux branches professionnelles, d’accompagner les TPE/PME de moins de 50 salariés par un service de proximité, et de financer les contrats de professionnalisation et d’apprentissage. Ils interviennent également dans la promotion des actions de formation en situation de travail (AFEST) et des formations à distance.

France Compétences

La réforme de la formation professionnelle a prévu la création d’une agence nationale publique, « France compétences », qui remplace 3 organismes nationaux décisionnaires : le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP), le Comité Paritaire interprofessionnel National pour l’Emploi et la Formation (Copanef) et le Conseil National de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelles (Cnefop). France compétences est entre autres responsable de :
  • la répartition des contributions versées par les entreprises et collectées par l’Urssaf et la MSA,
  • le contrôle des tarifs des formations et de la certification qualité des organismes de formation,
  • l’élaboration du RNCP (Répertoire National des Certifications Professionnelles) et du Répertoire Spécifique des Certifications et Habilitations (RSCH) ;
  • le financement d’enquêtes de satisfaction et d’évaluation.

La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)

La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) tiendra le rôle de financeur du Compte Personnel de Formation (CPF) à partir de 2020, remplaçant les OPCA. Cet organisme a également pour mission de gérer l’aspect technique du CPF, notamment par la centralisation des données ainsi que le fonctionnement en ligne. La Caisse des dépôts va en effet créer une application mobile qui permettra aux actifs de suivre leurs droits, d’effectuer une recherche de formation, de s’y inscrire et de la payer, d’accéder à des données notamment portant sur l’insertion sur le marché du travail.

Les Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales (CPIR)

2019 a également vu l’apparition des Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales (CPIR), qui interviennent sur le projet de transition professionnelle, ou CPF de transition, et valident les dossiers de reconversion émanant de salariés démissionnaires. Pour ce faire, les commissions analysent les projets, jugeant leur pertinence, instruisent les dossiers et financent les frais inhérents au projet.

L’Urssaf

L’Urssaf sera dès 2021 le collecteur de contribution légale unique, remplaçant ainsi les OPCA-OPCO. Cette collecte sera ensuite reversée à France Compétences.

#9 Vers une optimisation de la qualité

La réforme de la formation professionnelle met l’accent sur la qualité des formations dispensées et des organismes formateurs. Ainsi, dès le 1er janvier 2021, les prestataires devront obtenir une certification basée sur un référentiel national qualité, portant sur 7 critères (déclinés en 22 indicateurs communs et une dizaine d’indicateurs spécifiques) :
  • les conditions d’information du public sur les formations,
  • l’identification des objectifs des formations,
  • l’adaptation aux publics bénéficiaires,
  • l’adéquation des moyens,
  • la qualification des formateurs,
  • l’inscription et l’investissement du prestataire dans son environnement professionnel,
  • la collecte et la prise en compte des appréciations et éventuelles réclamations.
Les prestataires seront ainsi soumis à un audit menant à leur certification. Il sera réalisé par un organisme certificateur, accrédité par le Cofrac (Comité français d’accréditation) ou par un organisme de labellisation validé par France Compétences.  
  • 1er janvier 2019 :
    • entrée en vigueur de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », ou « loi Avenir ».
  • automne 2019 :
    • lancement de l’application CPF pour smartphones.
  • 1er janvier 2020 :
    • mise en place des nouveaux opérateurs régionaux,
    • financement du CPF par la Caisse des Dépôts et Consignation,
    • financement par les Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales (CPIR) du projet de transition professionnelle,
    • dépôt auprès des OPCO des contrats d’apprentissage.
  • 1er janvier 2021 :
    • entrée en vigueur de la nouvelle certification qualité,
    • l’Urssaf devient collecteur de la contribution légale unique formation et alternance.